Dans ces formats courts, je fais un focus sur les thèmes clés des Règles du jeu. Un angle nouveau sur les grandes notions à l’origine des inégalités au travail pour les redéfinir, se les approprier, renverser les perspectives et lâcher les chevaux! (Me suivre sur Medium)
Le “syndrome de l’imposteur” est un marronnier. Planté là, au millieu du décor, lorsque l’on se penche sur la question de la place des femmes dans le monde professionnel, on y revient toujours. Et pour cause: il est — et les études sont unanimes — , l’un des principaux freins à la progression professionnelle en général, celle des femmes en particulier.
Ce syndrome fait donc partie de ces fameux “freins intérieurs” ou “intériorisés” qui nous habitent si intimement qu’ils nous entravent au quotidien presque sans qu’on s’en aperçoive, nous font régulièrement trébucher, et imperceptiblement, creusent l’écart. Et malgré la somme d’études, d’articles, de contenus en tous genres parus depuis des décennies à son sujet, le pointer du doigt ne semble pas suffisant à le neutraliser tant il persiste et continue d’inhiber des foules de professionnelles. Alors quoi? Sommes nous condamnées à tenter d’avancer avec ce boulet au pied ? Et est-il seulement possible de ce défaire d’un syndrome si profondément enraciné?
La réponse est oui, bien sur! À condition de renverser certaines perspectives. Alors, voici de quoi se pencher sur cette notion, en dresser un portrait robot pour l’apprivoiser, et extraire quelques clés pour le dépasser.
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La notion de “syndrome de l’imposteur” est formalisée pour la premiere fois en 1978 par deux psychologues americaines, Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes. Leurs travaux portent sur les parcours professionnels de femmes ayant atteint des fonctions à très hautes responsabilités ou des accomplissements extraordinaires, et les mènent au constat suivant: aucune de ces femmes aux trajectoires hors normes n’attribuent jamais leurs succès à leurs qualités intrinsèques (leurs compétences, leur talent, leur agilité intellectuelle), toujours à des facteurs extérieurs (une main tendue par quelqu’un d’autre, la chance, le travail).
En poussant davantage les recherches, elles observent que ce phénomène d’ “externalisation” des déterminants du succès — et le sentiment d’illégitimité qui en résulte — est très largement répandu et concernerait 70% de la population active, hommes et femmes confondus. Elles notent cependant deux caractéristiques révélatrices de la complexité de ce sentiment d’imposture, et qui expliquent qu’il reste aujourd’hui encore si intimement lié à la question des inégalités au travail: (i) il augmente avec le niveau de compétences, et (ii) touche dans une plus grande proportion et mesure, les femmes.
“Le syndrome de l’imposteur touche 70% de la population active, dans une plus grande mesure les personnes compétentes, et une mesure plus grande encore, les femmes”.
De très nombreux cas documentés par la recherche illustrent ce dernier point. Pour n’en citer qu’un, prenons celui d’Hewlett-Packard. En constatant que beaucoup moins de femmes que d’hommes se portaient candidates aux promotions internes, la firme a mené une large enquête pour comprendre ce qui retenait autant leurs employées de tenter leur chance. Conclusion: les femmes attendaient de correspondre à 100% des critères de la fiche de poste pour postuler quand leurs homologues masculins se contentaient de 60%. En d’autres termes, les femmes attendaient de s’estimer “parfaites” pour se sentir légitimes, quand leurs collègues s’imposaient un niveau d’exigence plus bas — et saisissaient les opportunités au vol.
Depuis les années 1970, le syndrome a fait du chemin. La notion est devenue si populaire qu’elle est entrée dans le langage courant, clairement identifiée et nommée par celles et ceux qui en souffrent, et semblerait parfois presque galvaudée si elle ne restait pas, plus de 40 ans après sa découverte, l’un des plus grands freins à l’ascention professionnelle des femmes. Or ce qui fait du syndrome de l’imposteur un ennemi tellement redoutable, c’est qu’il ne se contente pas d’entraver ou de ralentir: il détourne précisemment de l’état d’esprit et des actions nécessaires à mettre en oeuvre pour avancer.
Le syndrome de l’imposteur a ceci de pernicieux qu’en plus de ralentir, il détourne précisemment des actions nécessaires à mettre en oeuvre pour avancer”.
Cependant — et toute la démarche des Règles du jeu est là — il n’y a pas de fatalité, car en reversant les perspectives il est possible non seulement d’apprivoiser ce syndrome, mais aussi de s’en defaire. Voici comment.
Identifier le syndrome de l’imposteur pour mieux l’apprivoiser
Le “syndrome de l’imposteur” peut se manifester de différentes manières. Voici un portrait-robot qui permet, sans forcemment se reconnaitre dans toutes ses facettes, de le repérer au quotidien.
Le sentiment d’illégitimité: le syndrome de l’imposteur donne l’impression d’être là par erreur, de ne pas mériter les responsabilités / opportunités que l’on rencontre, et de ne devoir ses réussites qu’à un alignement de planètes fortuit.
La conséquence négative qui entrave est le sentiment d’inhibition que cela génère, et donc la difficulté à promouvoir ce que l’on fait ou faire valoir ce que l’on souhaite, de peur d’être découverte.
La quête de perfection: conséquence du point précédent, l’impression de devoir compenser cette fraude en prouvant sans cesse sa valeur.
La conséquence négative qui entrave est le fait de concentrer ses efforts sur la satisfaction des autres (son entreprise, sa hiérarchie, ses collègues) au détriment de la poursuite de ses objectifs propres, en perdant de vue que le travail est un marchepied, pas une assurance !
L’attribution de ses succès à des facteurs extérieurs, qu’il s’agisse d’une main tendue, d’avoir été au bon endroit au bon moment, de la chance, ou d’un contexte favorable, plutôt qu’à ses qualités propres.
La conséquence négative qui entrave est l’impossibilite à valoriser un travail dont on doute soi-meme de la valeur intrinsèque. Car comment revendiquer ce que l’on ne valorise pas?
L’impression de facilité: plus on gagne en compétence, plus on reussit avec aisance. Or, c’est aussi à mesure que l’on progresse que le sentiment d’imposture grandit, car comment valoriser ce que l’on accomplit presque naturellement?
La conséquence négative qui entrave est la difficulté à reconnaître la valeur d’un accomplissement qui semble aller de soi. Un peu comme un artiste qui peine à fixer le prix de ses oeuvres car il dessine depuis l’enfance.
Le syndrome de l’imposteur représente donc une réelle barrière psychique à la valorisation de son travail, sa promotion, et in fine à sa progression. Mais en renversant certaines perspectives, il est possible de progressivement s’affranchir de cette entrave, jusqu’à s’en liberer tout a fait.
Renverser les perspectives pour s’affranchir du syndrome de l’imposteur, et s’en liberer
La perfection n’existe pas, et d’ailleurs personne n’en veut.
La quête de perfection professionnelle est un contresens. Elle n’est d’aucune utilité au travail, ni pour soi ni pour les autres. D’abord parce que personne ne nous impose un tel niveau d’exigence, ensuite parce qu’il détourne de ce qui fait réellement la différence: la rapidité d’exécution et la capacité à contribuer. Un manager préfèrera des compte-rendus réguliers bien qu’imparfaits, un canal de communication constant, plutot qu’un résultat irréprochable de loin en loin. La quête de perfection n’a d’autre fonction que de se rassurer, et ne justifie pas d’en faire un objectif.
La plus précieuse des compétences n’est pas de savoir, mais d’apprendre
Personne n’attend que nous soyons des « sachantes »: parfaitement opérationnelles dès la prise de poste, dotées d’une science infuse sur la durée. Ce qui compte en revanche est la courbe d’apprentissage, et donc la rapidité avec laquelle nous parvenons à contribuer. Ce qui démontre notre valeur n’est pas ce que nous savons déjà, mais notre capacité à engranger de nouvelles compétences, rapidement. Et pour progresser, poser des questions, demander de l’aide, donc exposer ses zones de vunérabilité, ses doutes, fait partie du processus.
Seul le challenge fait avancer
Pour avancer, il faut qu’il y ait défi. Cocher 100% des critères d’un poste n’indique pas qu’il nous correspond, mais au contraire que l’on a déjà atteint le niveau d’après, qu’il est temps de viser plus haut. La zone de confort offre l’illusion d’être à sa place, en réalité avancer suppose une certaine dose d’inconfort.
Certaines croyances sont des contresens. La quête de perfection qui servirait d’assurance, l’impression que ses succès sont le résultat de la chance, ou le sentiment permanent d’être là par erreur, en font partie. Et elles sont le terreau du syndrome de l’imposteur. Pour s’en défaire, la première étape était de changer de perspective pour leur tordre le cou. La seconde est de passer à l’action, c’est à dire de mettre en mouvement ce nouvel état d’esprit. C’est justemment ce que propose Les règles du jeu en livrant des clés concrètes pour agir au quotidien.
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